Octobre 2009, un mois désastreux.

(02/11/2009)

Octobre 2009 s’achève, enfin ! Non que le mois ait été mauvais pour l’industrie nucléaire mondiale, au contraire : les choses se présentent bien en Belgique et avancent en Angleterre, elles sont en passe de s’améliorer en Allemagne et peut-être même aux Etats-Unis et à Taïwan. En revanche, pour l’industrie nucléaire française, le mois aura été triplement désastreux.

Programme d’ARTE. Le 13 octobre un ‘reportage’ sortait sur la chaine ARTE (Déchets, cauchemar du nucléaire), précédé d’un battage médiatique très conséquent. Ce reportage présentait une charge du nucléaire, pêle-mêle, sans nuance et sans recul montrant au spectateur les erreurs et mauvaises pratiques des années 1940 à 1970, passant de Hanford (USA) à Mayak (Russie) et sautant sans transition à La Hague avant de retourner à Tomsk (Russie). Bref un amalgame entre ce qui est arrivé il y a plus de 50 ans, du temps de la guerre froide et de la course aux armements nucléaires, et ce qui se passe aujourd’hui en France dans l’électronucléaire. Le côté partisan était tout à fait patent.

On notera que ce programme était le cinquième dans cette veine anti-nucléaire depuis quelques mois, après « Pièce à conviction, Uranium, le scandale de la France contaminée » sur FR3, « Au pays du nucléaire (le Cotentin)» sur FR2, « Brennilis, la centrale qui ne voulait pas mourir » également sur FR3 et « RAS, nucléaire, rien à déclarer » également sur ARTE.

Le dernier reportage d’ARTE enfin pointait du doigt sur un prétendu ‘scoop’ : l’exportation de déchets radioactifs de France vers la Russie sans dire que celle-ci se poursuit depuis plus de 25 ans au vu de tous, Greenpeace y compris, et sans dire surtout qu’il ne s’agit pas de déchets. EDF et AREVA étaient présentés comme de vulgaires trafiquants à l’instar d’une maffia agissant en secret et bénéficiant du sommeil des autorités. Les auteurs du reportage sont allés chercher leurs arguments auprès d’officines anti-nucléaires bien connues pour leurs indéniables talents en matière de désinformation.

Fatalement, dans un tel contexte, les réactions d’EDF et d’AREVA, jouant en défense et de façon peu coordonnée, et même celles du gouvernement n’ont guère fait pour éclairer le citoyen. Si la plupart des gens savent bien que La Hague n’est ni un vulgaire dépotoir, ni un goulag, personne n’est venu les éclairer sur le fait que ce qui est envoyé en Russie ou même ce qui y reste n’est pas un déchet radioactif. La loi française du 28 juin 2008 – que nul n’est cependant censé ignorer – apporte pourtant des précisions tout à fait éclairantes sur ce point. On trouvera à ce sujet un très court document publié par Bertrand Barré sur la Chaîne Energie hébergée sur le site de L’Expansion.

 

Cadarache ATPu. Sur ces entrefaites, dès le 14 octobre, et alors que le tohu-bohu du premier évènement n’avait pas encore terminé de se développer, voilà que l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) déclenchait un second charivari en reclassant en niveau 2 un incident à l’ATPu de Cadarache et en demandant l’arrêt du démantèlement de cette ancienne usine de fabrication de combustibles au plutonium, à l’arrêt depuis 2003. On apprenait alors que le CEA et AREVA, impliqués l’un et l’autre dans le démantèlement de l’ATPu, avaient trouvé au cours des travaux quelques dizaines de kg de plutonium – ce qui est en soi un évènement – mais qu’ils n’avaient pas jugé utile pendant 3 mois – oui 3 mois – d’en informer formellement les autorités de sûreté. S’étant contentés d’indications orales auprès des représentants locaux de l’ASN, les exploitants ont sans doute considéré que le bouche à oreille permettrait de passer l’été.

Cette affaire montre d’abord un manque de réflexe : défaut de culture de sûreté par rétention d’information et non goût du secret comme cela n’a pas manqué d’être dit. Elle montre surtout que dans une installation conçue à une époque où l’expérience de démantèlement n’existait pas encore, il n’était pas possible de chiffrer précisément  le piégeage attendu de traces de poudres d’oxyde de plutonium ou d’oxyde mixte uranium/plutonium dans des multiples recoins de très nombreuses pièces mécaniques d’accès difficile ou la rétention sur des surfaces très étendues (plusieurs centaines de m² des parois et équipements de boîte à gants). Les matières n’ont pas été perdues, elles sont restées confinées dans l’installation sans réel risque de criticité, la matière n’étant pas concentrée,…il n’en demeure pas moins que la quantité en question est importante, sans doute quelques 35kg. Ceci est beaucoup même pour une installation qui a vu transiter une cinquantaine de tonnes de plutonium au cours d’une quarantaine d’années. Gageons que les spécialistes vont examiner avec attention comment étaient établis les bilans d’inventaire. Le lecteur pourra trouver ici une fiche de l’ARCEA sur cet évènement.

Cadarache STAR. Un dimanche, cette fois, et en temps réel, le 25 octobre le CEA fait savoir qu’il a trouvé 39kg d’uranium légèrement enrichi, jusqu’à 1,65% d’U235, dans l’installation STAR destinée au conditionnement de vieux combustibles usés, expérimentaux pour la plupart, et actuellement en cours de rénovation (maintenance et réaménagement).

L’évènement n’a pas eu le retentissement du précédent : pas de rétention de l’information, opération de rénovation et non de démantèlement, uranium faiblement enrichi et non plutonium. Certains ont fait allusion à un effet de série alors que ces 39kg n’ont été quantifiés que grâce à un bilan déclenché à la suite de l’incident de l’ATPu. Notons que les explications données n’ont pas toujours été parfaitement adaptées : STAR a traité, a-t-il été souligné, beaucoup de combustibles UNGG que n’avaient pu traiter ni La Hague ni Marcoule, mais les esprits curieux qui savent que ‘UN’ signifie uranium naturel sont restés sur leur faim et s’interrogent encore sur l’origine, pourtant bien banale, de l’uranium faiblement enrichi !

 

Souhaitons qu’après la mauvaise passe du mois d’octobre, les choses iront mieux et que nos amis de l’industrie nucléaire éviteront de donner trop, et trop souvent, de grain à moudre à leurs opposants, ces derniers n’en manquant pas.

 

Bernard Lenail